L'homme court depuis toujours : c'est une activité naturelle, c'est un moyen de rattraper son retard, de chasser, ou d'échapper au danger. On a longtemps parlé de la course à pied. C'est en 1940 qu'apparaît le terme "jogging".
Il définit la course d'échauffement pour un entraînement d'athlète de compétition.
L'origine néo-zélandaise
Vers 1950, l'entraîneur de l'équipe d'athlétisme de Nouvelle-Zélande, Arthur Lydiard, lance l'idée de courir en groupe. Si bien qu'en 1955, toute la Nouvelle-Zélande court pendant les week-ends et les vacances. Le jogging devient le style de vie d'une population physiquement saine.
En 1962, William J. Bowerman, entraîneur de l'équipe d'athlétisme de l'université de l'Oregon aux États-Unis, est très impressionné, lors d'un voyage en Nouvelle-Zélande, par les clubs de jogging et par la condition physique des joggeurs. De retour aux États-Unis, il organise un programme de jogging pour lui-même et également pour un certain nombre de personnes de son entourage, avides d'une bonne condition physique.
Le livre « Jogging » de 1967 lance le phénomène
Bowerman devient le leader d'un mouvement, aidé pour cela d'un cardiologue bien connu dans l'état de l'Oregon : le Docteur W-E Harris. Ils mènent ensemble un certain nombre d'études scientifiques sur l'intérêt d'un programme de remise en condition physique.
Ils publient, en 1967, un livre intitulé "Jogging" qui sera le vecteur de popularisation et de la vulgarisation de cette forme d'exercice physique. Ils proposent dans cet ouvrage trois plans de remise en forme. Chaque plan est conçu sur une période de douze semaines. Des exercices d'assouplissement sont proposés et des indications sur le nombre de kilomètres à parcourir sont données. Une progression est conseillée. La règle d'or de ces programmes est : « entraînez-vous, mais ne forcez pas ».
Le Plan A est pour les personnes inactives, les convalescents et les obèses. Le Plan B est destiné aux personnes un peu plus actives, mais qui sont vite fatiguées lorsqu'elles s'adonnent à une activité physique. Enfin, le Plan C est fait pour les personnes actives qui pratiquent un certain sport et sont désireuses de maintenir une bonne condition physique.
Le Dr Cooper promeut l'endurance
D'autres attribuent le phénomène jogging à un ancien officier américain de l'armée de l'air : le docteur Kenneth H. Cooper. Fatigué de se sentir fatigué, il cherche à fortifier le système cardio-vasculaire, car à cette époque l'infarctus du myocarde est la première cause de décès.
L'Amérique fait la queue devant sa clinique qui se spécialise dans la recherche sur les troubles cardiaques et les moyens de les endiguer. À travers ses ouvrages "Aerobics", "The new aerobics" et "Areobics for women", il contribue à la renaissance de la course à pied. Ses livres se vendent à plus de six millions d'exemplaires dans vingt-deux pays.
Les livres du Dr Cooper sont publiés à partir de 1968, soit un an après celui de Bowerman et Harris. Ils proposent un plan d'entraînement physique basé sur l'alternance de sports tels que la marche, le cyclisme, la natation, la course à pied, le squash, la course sur place, la balle au mur et le basket-ball. Le but à atteindre est le développement de l'endurance aérobie.
Ainsi, le Dr Cooper a largement contribué à faire admettre l'effort d'endurance comme un des piliers de la santé et de la médecine préventive. Cependant, il ne préconisait pas uniquement le jogging mais les exercices d'endurance en général. Les premiers à avoir présenté un programme de remise en forme basé sur la pratique du jogging sont donc Browerman et Harris.
Les associations chrétiennes de garçons et de filles, les "Young Men and Women Christian Associations" ont amplifié la popularité de ces programmes de course à pied. Ces associations mettent à disposition de leurs membres des moniteurs qualifiés pour les initier à cette discipline sportive. Le mouvement s'élargit rapidement, les initiés introduisent le jogging dans leur famille et leur entourage. Bientôt, tout le monde se retrouve en train de jogger dans les parcs, les squares, les forêts et les rues...
Cependant, en 1963, le Dr Gabe Mirkin, quatre ans avant le début de la vraie vague du jogging, avait lancé une action sous l'emblème "Run for your life". Il était aidé dans sa tâche par Mashall Hoffman, auteur du livre "The sport medicine book". En octobre 1966, la télévision américaine retransmettait durant une heure une émission consacrée à l'action "Run for your life". Toutefois, cette opération n'a jamais obtenu le succès rencontré par le jogging quelques mois plus tard, mais elle fut un premier pas.
Un groupe de coureurs en 1958
Pour le Dr Sander, directeur d'un centre de médecine sportive à New-York, l'origine en revient à un petit groupe de coureurs de fond constitué en 1958 sur le modèle du Road Runners Club (RRC) britannique, créé un an plus tôt. L'un des participants est Ted Corbitt, champion du Marathon des États-Unis en 1954.
Ces coureurs, passionnés de course sur route, créent leur association pour gérer leurs propres compétitions car la fédération américaine (AAU) ne porte alors pas le moindre intérêt aux coureurs de fond. Bien que le RRC et l'AAU n'aient jamais fait bon ménage, la fédération américaine donne en 1968 au Road Runners Club la responsabilité des courses sur route : courses hors stade, 20 km et marathons.
Cette époque coïncide avec les premiers pas de l'homme sur la lune, et les gens prennent conscience que les progrès technologiques n'améliorent pas leur santé. Cela correspond également à la fin de la guerre du Vietnam. La guerre finie, les Américains se mettent à réfléchir davantage à leur sort.
L'Amérique comprend trop d'obèses, trop d'hypertendus, les crises cardiaques se multiplient, le cancer se répand. Ainsi motivés, les Américains voient dans la course à pied non plus un sport, mais une activité physique toute simple qui ne coûte presque rien.
L'influence des médias
Les médias ont alors une influence considérable. À New-York, on ne compte pas moins de huit chaînes de télévision qui inscrivent dans leur programme hebdomadaire un magazine spécial consacré à la course à pied. On présente ainsi l'utilité de la visite médicale avec test d'effort.
On explique aux téléspectateurs la physiologie et la mécanique des pieds, l'importance des chaussures, l'intérêt de l'échauffement et des exercices d'assouplissement.
Des programmes d'entraînement sont proposés. Parallèlement, se créent des clubs et des circuits destinés aux pratiquants du jogging. Les "jogging trails" ou "fitness trails" sont en fait des parcours "Vita" importés de Suisse. En même temps, on note l'éclosion d'un certain nombre de revues qui ne parlent que de jogging.
25 millions de joggeurs aux États-Unis en 1978
En 1967, le livre "Jogging" de William J. Bowerman et W.E. Harris, vendu à plus d'un million d'exemplaires, propulse le phénomène sociologique du jogging. Sa pratique touche d'abord un grand nombre de gens instruits, à revenus importants. Par ce processus de ruissellement, elle atteint d'autres catégories socio-professionnelles, pour devenir une activité populaire. En 1978, l'institut Gallup recense 25 millions de joggeurs aux États-Unis. Ils sont plus de 35 millions à l'heure actuelle.
Au Canada, le phénomène débute vers la fin de l'année 1976, et surtout en 1977. L'explosion du phénomène coïncide avec les Jeux Olympiques de Montréal de 1976. Les exploits de leur équipe nationale de hockey sur glace contribuent largement à faire prendre conscience aux Québécois de l'intérêt de conserver et d'entretenir une bonne condition physique.
L'essor du jogging en Europe
En Europe, c'est la République Fédérale d'Allemagne qui est la première à reprendre l'idée. Au début de l'année 1974, la fédération allemande d'athlétisme lance le jogging sous le slogan « La nouvelle course sans essoufflement ». Elle le propage sous le nom de "Volkaufe", signifiant course populaire. Dès 1975, un demi-million de participants s'inscrivent à ces courses. 594 courses sont mises sur pied. Elles ne seront pas moins de 750 l'année suivante, et toutes connaîtront un franc succès. En 1983, leur nombre dépassera le millier.
Au Danemark, le quotidien BT de Copenhague organise en 1969, pour la première fois, la course de l'Ermitage. 2 300 participants s'inscrivent. Quelques années plus tard, ils seront plus de 20 000. Les Scandinaves ont toujours été des individus préoccupés par leur condition physique.
Ce n'est que vers les années 70 que le jogging est redécouvert en Grande-Bretagne.
En France, le phénomène s'installe à la fin de l'année 1978. En décembre, Milou Blavier, un journaliste sportif, parle du jogging en ces termes : « C'est une mode qui nous vient des États-Unis et qui fait actuellement fureur en Grande-Bretagne, qui gagne la France, et qui consiste à faire son footing sur les boulevards, les avenues, les rues ». Les boulevards et les avenues restent les principales pistes des joggeurs.
L'engouement suscité par le jogging dans la plupart des pays industrialisés l'a été par la prise de conscience de certains défauts de nos sociétés actuelles, de l'industrialisation, de la modernisation technologique et de nos modes de vie. Le jogging a pour origine le besoin de se libérer d'une société mécanisée à l'extrême.